La mise en œuvre de l’Ordonnance contre les rémunérations abusives (ORAb) avance bien. Cet article vous présente les principales expériences faites dans la pratique et vous découvrirez aussi pourquoi un système de «say-on-pay» équilibré renforce la création de valeur d’une entreprise.
Des assemblées générales plus complètes
L’élargissement des droits des actionnaires et l’application de l’ORAb nous amènent à faire un constat majeur bien que peu surprenant: le nombre de points à l’ordre du jour des assemblées générales (AG) a nettement augmenté (Figure 1). L’ordre du jour moyen d’une AG est environ deux fois plus long que les années précédentes. Cette augmentation est liée à l’élection annuelle des membres du conseil d’administration et de son président, à l’élection individuelle des membres du comité de rémunération ainsi qu’aux votes sur les rémunérations («say-on-pay»). [1]
[1] Ensemble des mécanismes permettant aux actionnaires de participer à la détermination de la rémunération des organes suprêmes d’une entreprise. Dans de nombreux pays, les actionnaires votent soit sur le rapport de rémunération, soit sur le système de rémunération. A contrario, en Suisse, le vote porte sur les montants de la rémunération.
Dans ce nouveau contexte, trois groupes doivent faire face à plus d’exigences:
- tous les actionnaires qui souhaitent ou sont obligés d’exercer leurs droits de vote (comme par exemple les caisses de pension suisses pour les sujets concernant l’ORAb);
- les entreprises, qui sont tenues de fournir les informations importantes;
- les intermédiaires de l’information, comme les agences de conseil en vote («proxy advisors») [2], qui doivent bien justifier leurs recommandations.
[2] Organisations qui conseillent notamment les actionnaires institutionnels (caisses de pension, asset managers, etc.) dans l’exercice de leurs droits de vote. L’actionnaire conserve son droit de vote, et les agences de conseil en vote ne sont pas des titulaires de procuration. Ethos, Glass Lewis, ISS, SWIPRA et zRating en sont des exemples connus.
Figure 1: Nombre moyen de points à l’ordre du jour des assemblées générales des sociétés du SPI® entre 2010 et 2015
Élection du comité de rémunération et «say-on-pay»
Désormais, les actionnaires ne déterminent pas seulement la rémunération proprement dite, mais aussi la composition du comité de rémunération. Cette nouveauté a en principe un effet positif sur la réputation des membres de ce comité. L’organe de révision contrôle maintenant séparément le rapport de rémunération. Les actionnaires sont de plus en plus sensibles aux doubles mandats exercés à la fois au sein du comité de rémunération et du comité d’audit. En effet, si ces chevauchements facilitent le flux d’information, ils comportent néanmoins le risque d’un manque d’indépendance. Les entreprises devraient donc décrire pour les doubles mandats comment elles remédient aux éventuels conflits d’intérêts.
Une attention particulière est accordée aux points de l’ordre du jour qui portent sur le «say-on-pay» proprement dit. Comme nous l’expliquons ci-après, il existe un lien étroit entre le rapport de rémunération et les documents qui concernent les votes obligatoires sur la rémunération et qui sont joints à l’invitation à l’AG. Pour la rémunération du conseil d’administration, un vote a généralement lieu à chaque AG (mais la communication de la rémunération se fait comme jusqu’à maintenant pour l’exercice). En revanche, les systèmes de vote choisis pour la rémunération de la direction sont très divers. Environ deux tiers des entreprises ont adopté une approche purement prospective, tandis [3] qu’un tiers fait voter selon une forme mixte.
[3] Pour les éléments de rémunération attribués au cours de l’année civile de l’AG, le terme de vote prospectif n’est pas précis. Il est cependant devenu courant dans la pratique de qualifier de prospectifs tous les votes qui ne sont pas rétrospectifs.
Figure 2: Modes de vote choisis pour le «say-on-pay» dans les sociétés du SPI® de la SIX Swiss Exchange
La famille du SPI englobe différents indices boursiers, et l’univers de titres sous-jacent contient environ 230 titres de participation. Les segments SPI® Large et SPI® Mid-Cap regroupent les entreprises à capitalisation moyenne ou élevée.
Dans les formes mixtes, le vote sur la prime est généralement rétrospectif (Short Term Incentives ou STI) [4]. Plusieurs variantes existent en revanche pour le vote sur les Long Term Incentives (LTI) [5]. La figure 3 représente un système dans lequel, lors de l’AG de l’année t, sont votés le salaire fixe de l’année t + 1, le LTI de l’année t et le STI de l’année t - 1.
[4] Terme technique désignant la rémunération variable de la performance de l’année précédente. Les entreprises associent la rémunération variable à différents facteurs. D’une part, la distinction doit être faite entre les objectifs quantitatifs et qualitatifs. D’autre part, certaines entreprises calculent le STI d’après une formule, tandis que d’autres confient (en partie) cette tâche au comité de rémunération.
[5] Ce terme désigne une rémunération basée sur des actions. Elle peut se faire sous forme d’actions, d’options, d’actions de performance, d’actions gratuites restreintes (Restricted Stock Units RSU), etc. Les actions de performance ne deviennent la propriété du manager que lorsque certaines conditions de performance sont remplies. Pour les RSU, les actions sont transférées aux participants au terme de la période de blocage. Certaines entreprises octroient des éléments de LTI indépendamment de la performance de l’année précédente, et c’est ce qui se rapproche le plus de l’idée initiale des LTI. D’autres paient la prime pour l’année précédente en partie sous forme de LTI, ce qui conduit à mélanger une prime axée sur le passé avec des incitations tournées vers l’avenir.
Autre constat-clé: il n’existe pas de pratique uniforme. Plusieurs méthodes peuvent s’avérer appropriées selon le système et la philosophie de rémunération et la structure de propriété. De fait, les différents systèmes de vote requièrent différentes approches de communication dans l’entreprise. [6]
[6] Executive Compensation & Corporate Governance: Insights 2014