Gros plan : le gouvernement d’entreprise durable

Aller au-delà des normes

Birgit Gallus
Senior Manager, Governance, Risk & Compliance, PwC Suisse

Gros plan : Gouvernance d'entreprise durable

Aller au-delà des normes

Birgit Gallus
Senior Manager, Governance, Risk & Compliance, PwC Switzerland

Un gouvernement d’entreprise durable va plus loin que le standard minimal. Pour ce faire, le conseil d’administration doit s’impliquer plus fortement dans l’entreprise et mettre en place des structures sortant du mode de pensée en silos étanches, des bases de décision harmonisées entre elles, des processus opérationnels répondant en tous points aux exigences de la conformité et des systèmes d’incitation ne reposant pas uniquement sur des critères financiers. Il défendra également d’une voix forte les valeurs et principes éthiques applicables au sein de l’entreprise et connus de chacun.

Les entreprises doivent aujourd’hui composer avec des interférences multidimensionnelles. La concurrence toujours plus impitoyable renforce la pression interne sur les coûts. Les nouvelles technologies et les innovations bouleversent le monde du travail et les structures des groupes se complexifient sans cesse. En même temps, on assiste à une multiplication des normes réglementaires et légales et donc de la probabilité de les enfreindre. L’exigence d’une transparence accrue et des investigations plus poussées des régulateurs accroît parallèlement le risque d’être « démasqué ». Les entreprises sont donc plus exposées à des sanctions ou à des amendes élevées.

Mais ce n’est pas tout. Les attentes et représentations de l’opinion publique en matière d’éthique ont radicalement changé ces dernières années. En outre, les nouvelles technologies facilitent les enquêtes, non seulement pour les autorités, mais aussi pour les journalistes. Cela se reflète dans l’exigence omniprésente d’une transparence intégrale et globale. Lorsqu’une violation est présumée ou découverte, la nouvelle se propage à une vitesse fulgurante sur les réseaux sociaux et via les médias numériques.

Les entreprises sont ainsi confrontées à un dilemme (cf. illustration 1). Elles doivent, d’une part, abaisser leurs coûts pour rester compétitives et, de l’autre, augmenter leurs dépenses allouées à la conformité pour rester opérationnelles et préserver leur réputation. Les entreprises doivent repenser leur gouvernance.

Figure 1 : Le dilemme entre la pression sur les coûts et une gestion responsable s’accentue.

Le gouvernement d’entreprise constitue le cadre juridique et factuel pour la direction et la supervision de l’entreprise. Les contraintes déjà évoquées exigent de la part des entreprises une gestion innovante et durable. Il est important à cet égard que le conseil d’administration (CA) participe activement à la mise en place de principes de gouvernement d’entreprise. En tant qu’organe de direction stratégique, il est le capitaine du navire et fixe le cap que l’entreprise doit suivre. Le CA définit ce cap dans la stratégie d’entreprise et développe sur cette base le cadre d’une gestion efficace de la conformité ainsi que des autres fonctions d’assurance. Respecter les standards minimaux n’est depuis bien longtemps plus suffisant. Les prescriptions de conformité ne doivent donc pas rester bloquées à un méta-niveau stratégique au siège, mais trouver le chemin vers la mise en œuvre opérationnelle dans les processus de création de valeur.

La direction donne le ton

Le conseil d’administration doit se dévoiler et montrer l’exemple par son comportement de direction (« tone at the top »). Son attitude caractérise la culture d’entreprise et lui donne son orientation. Le comportement éthique et l’attitude à l’égard des prescriptions et directives se reflètent directement dans le quotidien de la direction et des collaborateurs (cf. l’article Gros plan « Plus que de simples directives internes » par Sarah Kane). Les membres du conseil d’administration sont souvent peu visibles. Rares sont les collaborateurs qui les connaissent personnellement. Leurs idées et leurs opinions sont encore moins connues. Abstraction faite du chapitre Gouvernement d’entreprise du rapport annuel, les membres du conseil d’administration s’adressent en effet encore beaucoup trop rarement directement à l’entreprise et à ses collaborateurs. Un changement de mentalité vers une communication active et un rôle d’exemple est requis à ce niveau.

La pensée en silos appartient au passé

Le conseil d’administration a besoin de disposer des bonnes informations sur l’entreprise pour être apte à prendre des décisions et s’occuper des thèmes centraux de l’entreprise. Les données issues de la gestion du risque, de la conformité, du système de contrôle interne (SCI) et d’autres fonctions d’assurance doivent donc être coordonnées avec soin et, dans l’idéal, collectées et traitées de manière intégrée. Une étroite collaboration des fonctions responsables est donc requise, de même qu’une coordination et des échanges réguliers aussi bien en termes de contenus que du point de vue conceptuel. Une Second Line of Defence s’exprimant d’une seule voix est tout aussi indispensable pour une bonne acceptation et une intégration efficace dans les activités opérationnelles. Ce n’est qu’à cette condition qu’il sera possible de constituer une base d’informations fiables et comparables pour la mise en œuvre et le respect des prescriptions et normes en vigueur.

Les avantages d’une telle intégration sont évidents : meilleure acceptation et efficacité opérationnelle accrue, diminution des coûts internes et base de décision plus fiable permettant au CA de prendre des décisions plus ciblées plus rapidement.

Figure 2 : La conformité ne consiste pas simplement à respecter les normes minimales.

Malheureusement, de nombreuses entreprises continuent de privilégier les structures en silos. Elles mettent en place des fonctions pour la gestion du risque, la conformité, le SCI et la sécurité informatique, mais sans les coordonner. Pourtant, la cybersécurité par exemple n’est en aucun cas un thème purement informatique, mais recèle pour l’entreprise des risques financiers et des risques pouvant menacer son existence. Elle constitue donc un élément d’une évaluation globale du risque et doit figurer à l’agenda de la direction stratégique (cf. article Gros plan « Les cyber-risques sont un enjeu au plus haut niveau de l’entreprise ! » (La sécurité informatique relève du chef) par Urs Küderli et Lorenz Neher).

Aller au-delà des seules obligations

Le système d’incitation constitue un élément central de ce regroupement des forces. Des incitations appropriées permettent en effet d’harmoniser le contrôle du comportement, la motivation et le transfert de risque et encouragent aussi bien l’entreprise que ses collaborateurs à se surpasser. Pour qu’une entreprise aille au-delà de ses obligations en termes de respect des règles et prescriptions, le système d’incitation ne doit pas être uniquement pécuniaire. Il doit intégrer des paramètres de conformité matériels et immatériels pouvant être mesurés et évalués et qui s’insèrent dans le contexte de l’entreprise tout en reflétant ses valeurs éthiques. Pour l’heure, il est rare de trouver de tels paramètres dans les systèmes d’incitation des entreprises.

L’essentiel en quelques points

Le conseil d’administration est responsable de l’organisation du gouvernement d’entreprise en tant que cadre. Cette tâche inclut la mise en place de structures adaptées à l’entreprise et à ses valeurs éthiques et allant au-delà des standards minimaux. Le conseil d’administration doit, pour ce faire, s’impliquer dans l’entreprise, poser des questions critiques, promouvoir une culture d’entreprise orientée sur l’apprentissage et les collaborateurs et stimuler les affaires au moyen d’incitations appropriées. Cela exige aussi que le service de conformité comme les autres Second Lines of Defence troquent le rôle « d’empêcheur » contre celui de « facilitateur » et soient perçus comme tels au sein de l’entreprise. Une entreprise ne peut être gouvernée avec succès et en respectant durablement les règles que si la Compliance travaille main dans la main avec la direction et les autres responsables de la Second Line of Defence et est ancrée dans les processus opérationnels. Un CFO l’a exprimé avec beaucoup d’à-propos dans une étude mondiale de PwC[1] : « Un solide programme éthique et de conformité peut aider la direction à prendre des risques avec confiance et exploiter les nouvelles opportunités offertes par les marchés. »

[1] «State of Compliance Survey», enquête auprès de 825 participants, incluant des CCO, CFO, membres du comité d’audit et d’autres parties prenantes de la conformité; 2018

6 conseils facilitant un gouvernement d’entreprise durable

  1. Écoutez votre intuition et posez des questions critiques.
  2. Donnez l’exemple.
  3. Discutez avec les collaborateurs de l’entreprise.
  4. Faites activement valoir vos idées et initiez le changement.
  5. Veillez à ancrer localement les prescriptions internes imposées au front.
  6. Regroupez les forces de votre Second Line of Defence.

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Birgit  Gallus

Birgit Gallus

Director, Risk Consulting, PwC Switzerland

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