Le Conseil fédéral a adopté le message relatif à la Modernisation de la surveillance dans le 1er pilier et optimisation dans le 2e pilier de la prévoyance vieillesse, survivants et invalidité en novembre 2019. Le message propose entre autres une nouvelle disposition légale quant à la rémunération des courtiers. Celle-ci n’a pas fait l’objet de la procédure de consultation de ce projet de loi et a seulement été intégrée dans le cadre du message. L’interpellation du conseiller national Mathias Reynard et les critiques de certains spécialistes LPP ont donné lieu à cette proposition d’adaptation.
Les courtiers aident les entreprises en particulier dans la recherche d’une institution de prévoyance appropriée. Ils jouent ainsi un rôle important pour que les entreprises puissent se retrouver dans le marché suisse de la prévoyance professionnelle qui devient de plus en plus complexe et dense, comprendre les différentes offres et leurs avantages et risques, et enfin remplir leur obligation de s’affilier conformément à l’art. 11 al. 1 LPP.
La rémunération du courtier a souvent lieu par le biais de courtages. Ceux-ci sont payés par l’institution de prévoyance à laquelle l’entreprise s’est affiliée,1 et versés pendant toute la durée du contrat ; ils sont souvent déterminés en pourcentage des primes de risque.2
Dans sa réponse à l’interpellation Reynard, le Conseil fédéral a déjà déclaré que des modifications étaient nécessaires. Cela compte tenu que les courtages qui sont versés par les institutions de prévoyance ne seraient pas dans l’intérêt des destinataires et ne seraient pas compatibles avec le but de la prévoyance, lorsque le courtier est mandaté par l’employeur. Cela pourrait également créer de fausses incitations qui accentuent les distorsions existantes dans la prévoyance professionnelle.
Les avis sur ce sujet varient considérablement dans la littérature. Alors que certains auteurs demandent l’interdiction du modèle de courtages actuel et préconisent un modèle établi sur la base des coûts effectifs où l’employeur en tant que mandant supporte les frais, d’autres considèrent que le modèle actuel de courtages doit être maintenu ou exigent plus de transparence.
Les auteurs favorables au maintien du modèle de courtages actuel estiment que l’activité d’intermédiaire du courtier sont principalement dans l’intérêt de l’assuré et que les dispositions actuelles seraient suffisantes, si elles étaient appliquées de manière conséquente. Ils s’appuient sur l’art. 48k al. 2 OPP2 et en déduisent que les courtiers doivent fournir par écrit et dès le premier contact avec leur client des informations sur la rémunération reçue et se conformer aux obligations de reddition de compte et de restitution qui résultent du droit de mandat.3
La disposition proposée quant à la rémunération des courtiers
Le Conseil fédéral n’entend pas interdire les activités des courtiers, mais améliorer la transparence. En vertu d’un nouvel art. 69 LPP, le Conseil fédéral obtient la compétence de fixer dans l’ordonnance les conditions dans lesquelles une institution de prévoyance peut rémunérer les courtiers pour leur activité d’intermédiaire et les institutions d’assurance peuvent mettre à charge de telles rémunérations dans leur comptabilité. Le message précise également que le Conseil fédéral doit, dans le cadre de sa compétence réglementaire, prendre en compte les aspects suivants :
- Les institutions de prévoyance qui recourent à un courtier auront le droit de le rémunérer.
- Si en revanche ce n’est pas l’institution de prévoyance qui a mandaté le courtier, il n’existe pas de fondement pour qu’elle prenne en charge la rémunération pour l’activité d’intermédiaire. D’une part, compte tenu qu’il n’existerait aucune relation contractuelle entre l’institution de prévoyance et le courtier, d’autre part, puisqu’il en résulterait un conflit d’intérêt auprès du courtier. Ce conflit d’intérêt proviendrait du fait qu’il ne serait pas possible de savoir si le courtier s’est engagé dans le but de trouver la meilleure solution pour son mandant ou pour s’assurer la meilleure rémunération.
Le projet de loi prévoit également que le Conseil fédéral reçoit la compétence de préciser les tâches de l’organe de révision en lien avec la rémunération des courtiers. L’ordonnance devrait explicitement préciser que l’organe de révision est chargé de contrôler si les rémunérations versées sont en conformité avec les dispositions légales. Cela dans le but de préserver les intérêts des assurés et d’utiliser la fortune de prévoyance à bon escient.
Appréciation de ce projet de loi
Le fait que le Conseil fédéral ne soit pas favorable à une interdiction générale des activités des courtiers est compréhensible compte tenu de leur rôle important dans l’environnement LPP d’aujourd’hui. Néanmoins, il convient de noter que la disposition proposée par le Conseil fédéral est susceptible de changer le marché des courtiers. Selon la nouvelle disposition, dans tous les cas où la relation contractuelle avec le courtier est établie par l’employeur, la rémunération devrait impérativement et directement être supportée par l’employeur. En d’autres termes, l’introduction d’une telle disposition signifierait que les coûts des activités de courtiers ne seraient plus indirectement compensés par des primes ou des cotisations, ce qui (en fonction du niveau actuel des coûts de courtage étant indirectement à la charge de l’employeur par le biais de primes ou de cotisations) pourraient par conséquent modifier les coûts de courtage de l’employeur. En particulier les petites entreprises pourraient partiellement ou même entièrement renoncer à l’aide professionnelle d’un courtier dans la recherche de l’institution de prévoyance appropriée. Il reste à voir, si cette disposition sera maintenue dans le cadre des délibérations parlementaires.
1 Lorsque l’institution de prévoyance a assuré tout ou une partie de ses risques auprès d’une institution d’assurance, c’est généralement cette institution qui paie l’indemnité d’intermédiation.
2 FF 2020 1, p. 51.
3 En ce sens BUR BÜRGIN/MURESAN, Courtages, Ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain, Prévoyance Professionnelle Suisse 09/19, p. 98.
Résumé
- Le message du Conseil fédéral relatif à la Modernisation de la surveillance dans le 1er pilier et optimisation dans le 2e pilier de la prévoyance vieillesse, survivants et invalidité ayant été adopté en novembre 2019 propose une disposition quant à la rémunération des courtiers.
- Dans sa réponse à l’interpellation Reynard, le Conseil fédéral a déjà déclaré que les courtages versés par les institutions de prévoyance au courtier ne seraient pas dans l’intérêt des destinataires lorsque le courtier est mandaté par l’employeur.
- La disposition proposée n’a selon le Conseil fédéral uniquement pour but d’améliorer la transparence et non pas d’interdire l’activité de courtiers.
- La disposition proposée a pour objet de régler les conditions dans lesquelles une institution de prévoyance et d’assurance peut mettre à charge la rémunération pour l’activité de courtiers dans leur comptabilité.
- Même si la disposition proposée n’apporte pas d’interdiction de l’activité de courtiers, elle est susceptible de changer le marché des courtiers.