Défis dans la gestion des effectifs de rentiers : le transfert auprès d’une autre institution de prévoyance est-il une solution envisageable?

20 oct. 2020

Pour diverses raisons, les effectifs de rentiers posent de nombreux défis pour la prévoyance professionnelle. Le transfert d’effectifs de rentiers auprès d’une autre institution de prévoyance, dans le but de regrouper des effectifs de rentiers, peut également représenter une option attrayante d’un point de vue de l’institution de prévoyance transférante, permettant ainsi de réduire les risques financiers. Plusieurs indices sur le marché indiquent que de tels transferts pourraient devenir de plus en plus fréquents.

Pour une institution de prévoyance, la gestion des rentiers fait partie des activités quotidiennes. Les assurés actifs prennent leur retraite, deviennent invalides ou décèdent suite à une maladie ou un accident. Les prestations qui en résultent doivent être financées sur le long terme par l’institution de prévoyance. Compte tenu des circonstances actuelles, cette situation représente des défis réels pour les institutions de prévoyance et pour les employeurs affiliés.

  • Augmentation de l’espérance de vie : selon les bases techniques déterminantes pour les institutions de prévoyance, l’espérance de vie a augmenté ces dernières années. Il reste à voir si cette tendance va se poursuivre. Une augmentation de l’espérance de vie signifie que les prestations de rente doivent être versées plus longtemps, de sorte que les institutions de prévoyance doivent réserver plus de capital pour pouvoir financer le même niveau de prestations.
  • Faiblesse persistante du niveau des taux d’intérêt : les rentiers ne sont normalement pas porteurs de risques au sein d’une institution de prévoyance. Cela est dû au fait que la prestation qui résulte de la prétention à la rente initiale au moins ne peut en principe pas être réduite dans le cadre de mesures d’assainissement. Par conséquent, la fortune qui sert à financer les obligations de rente doit être placée sur la base d’une stratégie quasiment sans risque, sous peine de créer des solidarités avec les assurés actifs. En revanche, un placement sans risque pour les rentiers nécessite plus de capital puisque moins de rendements peuvent être générés à long terme.
  • Changements du côté de l’employeur : le monde du travail et par conséquent les employeurs sont en constante évolution. Au niveau de l’institution de prévoyance, cela peut entrainer des changements dans l’effectif des assurés actifs, voire des résiliations des contrats d’affiliation, comme détaillé dans le cadre de notre article sur les défis liés à la pandémie du COVID-19 pour les institutions de prévoyance. Une réduction du nombre d’assurés actifs augmente la charge de rentiers et apporte ainsi une détérioration de la capacité d’assainissement de l’institution de prévoyance. D’un point de vue de l’institution de prévoyance, il est essentiel de prévoir dans le contrat d’affiliation et le règlement de liquidation des dispositions quant aux rentiers afin d’établir des obligations financières équitables pour l’employeur.
  • Obligations financières de l’employeur : en situation de découvert, l’employeur peut, s’il existe une disposition réglementaire et contractuelle respective, être sollicité pour des cotisations d’assainissement pour son effectif de rentiers. En outre, il faut tenir compte de l’effectif de rentiers dans le cadre de la comptabilité selon les normes internationales tant qu’il existe des obligations légales et financières.

À cela s'ajoutent les difficultés rencontrées sur les marchés financiers suite aux turbulences à court terme. En fonction de la situation initiale d’une institution de prévoyance, des événements comme la pandémie de COVID-19 peuvent mettre en péril le financement à long terme des effectifs de rentiers. Toutefois, l'évolution de ces événements à court terme doit être soigneusement suivie.

Transfert d’effectifs de rentiers comme solution envisageable ?

La gestion fructueuse d’un effectif de rentiers dépend non seulement du relèvement des défis susmentionnés, mais également de la grandeur ainsi que de la part d’assurés actifs. Un petit effectif de rentiers sans assurés actifs par exemple peut, au niveau de la longévité, être exposé à de fortes fluctuations, ce qui peut provoquer des coûts plus élevés pour l’institution de prévoyance. Notamment pour ces effectifs de rentiers, un transfert auprès d’une autre institution de prévoyance avec d’autres effectifs de rentiers pourrait s’avérer attrayant. Existe-t-il un marché de prestataires pour un tel transfert ?

Selon notre expérience, les rentiers sont souvent seulement repris, pour autant que des assurés actifs soient également repris par la nouvelle institution de prévoyance. Toutefois, il existe des institutions de prévoyance assurant exclusivement des rentiers (caisses de rentiers) ou des institutions de prévoyance autonomes qui émettent des offres pour la reprise d’effectifs de rentiers. Quelques institutions de prévoyance collectives continuent à élaborer des solutions de reprises d’effectifs de rentiers de leurs clients, respectivement en offrent déjà à leurs clients (p.ex. sous forme d’un regroupement de rentiers). En outre, les fournisseurs de solution d’assurance complète ont déjà communiqué leur disponibilité pour reprendre des effectifs composés exclusivement de rentiers.

Quelle que soit la solution, il faut veiller à assurer le financement des effectifs de rentiers sur le long terme, le cas échéant également par un versement unique de l'employeur, et de ne pas involontairement amoindrir les droits des assurés existants. Il est également important d'examiner les rapports juridiques envers l’employeur une fois le transfert effectué et de régler les liens juridiques entre l'employeur et l’institution de prévoyance reprenante quant aux rentiers repris et les obligations financières de l’employeur (p.ex. obligations d’assainissement supplémentaires en cas de découvert ultérieur).

Nouvelles conditions cadres selon la proposition de réforme

Dans le cadre du message concernant la modernisation de la surveillance dans le 1er pilier et l’optimisation dans le 2ème pilier, le Conseil fédéral propose des nouvelles conditions cadres pour la reprise d’effectifs de rentiers dans le but d’empêcher des reprises abusives. La proposition prévoit entre autres que les engagements des rentiers repris soient suffisamment financés (y compris les provisions techniques et les réserves de fluctuation de valeur). Une procédure structurée comprenant l’implication de l’autorité de surveillance et de l’expert en matière de prévoyance professionnelle serait établie au niveau de l’institution de prévoyance reprenante. En particulier, l’autorité de surveillance de l’institution de prévoyance reprenante devrait veiller à ce que les capitaux de prévoyance et les provisions techniques constitués pour l’effectif de rentiers repris soient seulement adaptés dans des cas dûment justifiés. Cela dans le but de renforcer la sécurité par un financement suffisant et d’augmenter la transparence dans le cadre d’un transfert.

Les mesures proposées pourraient augmenter les charges administratives au niveau de l’institution de prévoyance reprenante, en particulier par la procédure d’approbation par l’institution de prévoyance. L’exigence du maintien de provisions pour l’effectif de rentiers repris pourrait également réduire l’attrait de reprises d’effectifs de rentiers, compte tenu que des solidarités entre des effectifs de rentiers déjà existants et les effectifs de rentiers repris ne seraient admises que dans des cas dûment justifiés. Toutefois, nous estimons que la proposition de réforme ne devrait pas limiter les possibilités d’un transfert de rentiers par rapport à la situation juridique actuelle tout en appliquant les principes techniques reconnus et les obligations de diligence. Avec ou sans cette réforme, il reste à voir si le nombre de regroupement de rentiers sur le marché augmentera à l’avenir.  

Résumé
  • L’augmentation de l’espérance de vie, la faiblesse persistante du niveau des taux d’intérêt, les changements auprès de l’employeur et les obligations financières de l’employeur présentent des défis pour la gestion d’effectifs de rentiers.
  • Un transfert d’effectifs de rentiers auprès d’une autre institution de prévoyance dans le but de regroupement d’effectifs de rentiers peut, sur le long terme, apporter une décharge pour l’ancienne institution de prévoyance et l’employeur. Dans ce contexte, il convient de tenir compte des obligations financières (uniques et/ou périodiques) de l’employeur quant à l’effectif de rentiers.
  • Les nouveautés résultant du message de la modernisation de la surveillance dans le 1er pilier et l’optimisation dans le 2ème pilier, ont pour but de renforcer les exigences de financement et la transparence dans le cadre de reprise d’effectifs de rentiers, sans limiter la possibilité d’un transfert en soi.

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